Lettre VIII

J'ai triché. Ou plutôt, non, je me suis cachée sous le sourire de la banalité. Un déjeuner en ville sous les marronniers et les parasols ouverts. Après le digestif prétexter l'envie d'une promenade. Faire mine de se laisser mener par le hasard, une rue, puis l'autre...et arriver pile à l'endroit désiré.

Voilà quinze ans que je n'y avais mis les pieds. Même trottoir, mêmes pavés, même muret... Même pas extraordinaire me soufflent ceux qui m'accompagnent. J'acquiesce. Comment leur dire que je suis arrivée?...

Et lorsqu'ils rient de me voir soudain photographier l'ombre de ce réverbère sur le mur, j'acquiesce encore. J'en rajoute même: c'est n'importe quoi, oui, de prendre ce réverbère, il en existe des milliers, il n'est ni plus plus beau ni plus laid que les autres. C'est juste ta silhouette que je sais avoir frôlé ces angles là.

Ils rient de plus belle lorsque je m'écarte de quelques pas pour prendre ce banc qui n'a rien semble t'il à raconter. Je souris moi aussi, même si j'ai envie de pleurer, j'inverse la musique de mes lèvres pour changer d'air, prendre le leur, glisser en silence sur le tien.

Je reviendrai, ce soir, demain. Seule.

5 commentaires:

Pivoibulle a dit…

Sourire pour ne pas montrer à quel point nous sommes en train de souffrir...Un masque que beaucoup d'entre nous portent. Le besoin de replonger seul dans nos souvenirs, est parfois plus que dur car cela rouvre certaines bleesures que l'on pensait pansées mais s'y confronter permet parfois de cicatriser, cela vaut la peine d'à nouveau s'y baigner(o; Un texte trés beau encore une fois je ne me lasse pas marci(o:

Cécile Delalandre a dit…

On vous suit ... pas à pas, coeur à coeur.. toujours aussi beau, enchanteur.Magnifique! *_*

Cécile Delalandre a dit…

je reviens vers vous ce soir... je viens de perdre un être cher... hier... c'est pour ça sans doute, entre autre que votre lettre me rappelle.
Redonner vie, réactiver leur mémoire, parcourir à nouveau nos empreintes communes, pour qu'ils vivent encore...

Saravati a dit…

Un texte intimiste comme je les aime, oui, photographier quelque chose, n'importe quoi pour les autres qui rient mais un symbole, une ambiance à revivre, souvenir, nostalgie.
Et toujours devoir faire semblant pour masquer sa tristesse, ah qu'il est bon parfois d'être seul pour respirer sa souffrance !

Cécile Fargue Schouler a dit…

Merci à ceux et celles qui passent par ici