Lettre IX

Tu as la peau dur, tu sais. Te frôler est parfois une gifle. Ce n'est pas toujours joli d'ouvrir les yeux sur les endroits où tu as du fermer les tiens.

C'est mon dernier jour ici. Mes pas reconnaissent le chemin. Le petit matin bleu n'a rien compris je crois.

Rien n'a été détruit, les toilettes sont toujours là, insalubres et crasseuses, mais la porte est désormais fermée à clef. Je ne peux que coller le nez aux carreaux. Collée à la vitre, faire battre mes paupières pour réapprivoiser l'obscurité, certaines couleurs ne viennent qu'après la nuit.

La cuvette à droite et sa porte qui ne ferme pas. A gauche les urinoirs qui n'ont je crois jamais été scellés au mur et qui macèrent sur le carrelage pisseux.

Je repense à ce vieux clodo que nous croisions souvent là, accroché à son litron de mauvais rouge et vociférant sans fin ses injures... Je repense au décompte absurde que j'égrenais alors : un mois, un an...combien de temps encore avant que la vie ne te rattrape aussi mal qu'elle l'avait fait avec lui?


Il y a entre ces quatre murs tes insomnies et tes shoots, tes passes et tes impairs. Il y a l'inconcevable et l'insupportable. Il y a les mots que je ne sais pas encore dire, fichés dans la gorge. Les mots qui se cognent et se traînent, cherchent la sortie, cherchent l'air.

Commencer par coller au carreau l'objectif... et clic. Une image, une brèche, une prise, une entaille comme dans l'arbre... Le reste va venir.


photo : toilette publique - rue du chat - Angoulême

2 commentaires:

Cécile Delalandre a dit…

je vous suis... encore sur la pointe du coeur *_*

Prof. Paulo Sérgio a dit…

Interessante, agora veja o meu blog.