Une rencontre

Un jour j'ai croisé la Beauté. Elle n'était ni de papier ni glacée. Elle n'était pas propre non plus, même pas jolie à dire vrai. En fait, j'aurais pu passer à côté d'elle sans la regarder car tout m'invitait à l'ignorer. Tout ce que l'on m'avait appris à son sujet, tout ce que j'avais cru.

Elle était plaquée sur le capot encore chaud d'une voiture. Déculottée, le pantalon sur les chevilles, elle se faisait traiter de petite salope sans sourciller. Elle ne semblait pourtant pas chercher la fuite. Elle ne semblait même pas égarée. Quand elle m'a vue, elle a sourit. Enfin je crois parce que sa bouche n'a pas suivi, elle ne devait pas être faite pour ça. Puis, elle a continué à se faire insulter et à ne rien dire, comme si tout cela n'était pas vraiment la vérité, juste un déguisement pour s'amuser. D'ailleurs, elle n'avait pas l'air d'en souffrir. Au contraire, elle mordait fort dans sa lèvre comme pour réprimer un fou rire.
Comme je ne comprenais rien, j'ai décidé de m'asseoir et de la regarder.

La tête un peu renversée sur le capot, elle avait les yeux ouverts. Des yeux très verts et des cils noirs. Des cils comme des sutures qui auraient lâché. De ces paupières éventrées sortait un cri. Un mot sans alphabet, sans forme et sans couleur, mais que je pouvais écouter. Comme je ne le comprenais pas, je l'ai laissé lui même décider de la place qu'il voudrait se donner. Aucune de celles que j'avais ne lui convenait alors dans ma rétine il s'est planté et j'ai oublié la voiture, le pantalon entortillé sur ses chevilles, les autres mots pleins d'insultes... En un instant, il les avait balayés. C'est là que j'ai compris...

Tout autour était le champ de bataille et dans la crevasse verte, verte comme peut l'être la pourriture d'un fruit, il y avait la Victoire. C'était bien elle qui m'avait sourit, mes sens, bien que momentanément trompés, ne m'avaient pas menti. Je suis restée un moment interdite et me suis mise à pleurer, en me foutant moi aussi de ce qui nous entourait. A pleurer pour mieux lui rendre son sourire.

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