Comme un braqueur repenti rapportant son butin sur les lieux du forfait, je t'écris.

Je te rends les mots dont tu as accouchés et que tu n'as pas su élever. Ceux que j'ai recueillis, enfants sauvages et de la nuit, arrachés de justesse à tes infanticides. Mais ils ne t'en veulent pas, rassure toi, je leur ai appris. Appris à ne pas craindre les déformations de ta bouche-forceps. Cette bouche montée à l'envers, où tes dents plantées bien avant tes lèvres ont, sans vraiment le vouloir, sans pouvoir autrement, coupé leurs cordons avant même que ne braillent les premier sons.

Le silence n'est pas un vide, c'est un enfant sans berceau, sans veilleuse, qui dans le noir se perd. Des tiens, je n'ai été que la nourrice. Aujourd'hui majeurs, ils se demandent d'où ils viennent et mon office de fait va s'achever. Une dernière fois je vais leur tenir la main pour les aider à traverser. Ils n'ont pas de haine, juste l'immense envie de te rejoindre et d'enfin se réconcilier.

5 commentaires:

Christine a dit…

Comme j'aime cette image du berceau!

sleemane a dit…

"Comme un braqueur repenti rapportant son butin sur les lieux du forfait, je t'écris."
Je trouve que cette phrase est fabuleuse. La suite du texte ne l'est pas moins.

Cécile Fargue Schouler a dit…

Je crois que j'ai un bon "souffleur", sourire.

Damien a dit…

Une fois de plus tu accouches d'un texte impressionnant. On le boit comme un whisky sans glace. Et il frappe.

Anonyme a dit…

Cécile, ces mots sauvés des eaux, il les aurait cornés du bout de l'ongle...