Lettre XV

...Cette nuit de décembre. Ton corps en lambeaux sur un coin de cette terre. Ces cent pas qui ne mènent nulle part et saignent les quelques mètres de ton bout de trottoir. Les voitures qui passent, ralentissent, ne s'arrêtent pas...
Tu claques des dents, tu trembles, contre ton flanc tu serres ton bras. Ton odeur de mauvais gin et de sueur... Tu vas crever, c'est tout ce que tu sais encore articuler. Les seules syllabes que le rictus de ta bouche laisse passer.

Une voiture s'arrête, le conducteur te fais signe d'approcher. Penché à la portière, je n'entends pas votre échange. Il semble hésiter, s'amuser. Je sais à tes ongles qui se plantent soudain dans ton poignet que tu es sur le point de tomber. Lui regarde sa montre, réfléchis... tu le sens toi aussi qu'il va t'échapper. Alors ta main, à travers la vitre ouverte, va se poser sur son épaule, descendre sur sa poitrine... Ta bouche entrouverte , pas un cri ne sort de la mienne.
Sa main rattrape la tienne, son regard ma présence. Ses lèvres se mettent de nouveau à bouger ... C'est toi à présent qui te tournes vers moi....Tu me regardes, tu as entendu ce qu'il propose... Et c'est là, qui reste en suspends, n'ose pas retomber... Il suffirait de répondre oui et dans une demie heure à peine plus de douleur, plus de peine...
Il suffirait d'un oui et tu y penses, et tu es déjà peut être en train de me le demander...
Ta voix éclate en mille morceaux quand tu lui hurles de se tirer. Quand ton poing vient frapper si fort le toit de la voiture qu'il démarre sans tarder....
Et elle éclate encore quand, au beau milieu de la rue, tu continues de jurer avant de t'écrouler, plié en deux sur le pavé...

3 commentaires:

p.chevrin a dit…

je n'aime pas non, ce que je lis là.mais j'aime cet hommage que tu lui rend,cette place que tu lui donnes.

Anonyme a dit…

J'ai un seul mot : putain!

Cécile Thérèse Delalandre a dit…

Etrange mot pour un cri d'admiration!
Cela dit, oui, Cécile, toujours aussi beau et bouleversant *_*